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1- Plan de travail

Plan de travail

Avant-propos : les conseils et les outils proposés n’ont pas vocation à être modélisants, ils sont issus d’une envie d’expérimentation. Ils sont le témoin d’une réflexion personnelle à un instant T et ne sont pas gravés dans le marbre. Ils sont destinés à la critique et à la réflexion personnelle et ne prétendent nullement être d’une qualité notable.

Passer le cap du plan de travail est difficile. Cela sous-entend une forme de lâcher-prise qui peut de prime abord sembler déstabilisante et hasardeuse. Votre posture et celle de vos élèves vont radicalement changer. Vous n’aurez plus la main mise sur chaque moment de la journée. Adopter un plan de travail, c’est proposer à vos élèves, à un ou plusieurs moments de la journée, de décider sur quoi vont se porter leur attention et leurs efforts de la journée, de la semaine ou du mois.

Le choix du plan de travail

Une brève recherche sur un moteur de recherche avec les termes plan de travail vous fera accéder à un véritable florilège de propositions. Plans de travail pré-remplis ou vierges, plans à la journée/semaine/mois, plan avec l’ensemble des disciplines ou avec seulement les fondamentaux. Bref, il y a à boire et à manger et la définition du plan de travail diffère d’un collègue à l’autre.

J’ai choisi un plan de travail en deux parties, à la fois vierge et pré-rempli, d’une durée d’une période pour la partie compétences fondamentales et de 4 semaines pour la partie commune et projets. Il se décompose ainsi :

  • La partie français et mathématiques sous forme de tableau.

Cette partie est la trace du travail effectué en français et en mathématiques tout au long de la période. C’est elle qui permet de savoir ce qu’a fait l’élève. Elle permet d’un coup d’œil de voir quels sous-domaines ont été travaillés et où ils en sont exactement. L’élève qui décide le lundi 4 de commencer à travailler sur le repérage des compléments du nom (fiche G22 par exemple, je reviendrai sur les fiches plus tard) doit dans un premier temps se demander : suis-je déjà capable de réussir ce qui m’est demandé ou ai-je besoin d’un temps d’entraînement ? Deux chemins à partir de cette question, inspirés de l’évaluation Antibi :

Premier chemin : L’entraînement

À la question posée, l’élève ne se sent pas en situation de réussite et souhaite s’entraîner. Il ira prendre la fiche d’entraînement qu’il trouvera dans les classeurs grammaires numérotés par code de compétence (réunis à un endroit spécifique de la classe) et retourne à sa place. Il réalise son exercice sur le cahier du jour et prend la fiche de correction à la fin du même classeur pour se corriger. Lorsqu’il a terminé, il indique dans la case G22 de son plan de travail la date du jour (en abrégé type 22/04) et colorie la case en vert s’il pense avoir réussi ou en rouge s’il pense avoir encore besoin d’entraînement.

Au cours de son entraînement, l’élève peut être aidé par un tuteur (voir plus bas) ou par l’enseignant en s’inscrivant au tableau dans la partie dédiée. Idem en cas d’interrogation sur la correction.

L’élève continuera son parcours d’entraînement jusqu’à la date butoir de l’évaluation ou jusqu’à réaliser un contrôle blanc. Même si l’élève se corrige en autonomie, l’enseignant doit d’une part vérifier que la correction est bien prise et d’autre part relever les erreurs faites par l’élève pour éventuellement adapter son parcours. Il se peut très bien qu’un élève pense ne pas être prêt alors que sa production laisse à penser l’inverse.

Second chemin : Le contrôle blanc

À la question posée, l’élève pense pouvoir être en situation de réussite, dès que l’exercice est disponible ou après s’être entraîné. Il va passer un contrôle blanc (qui se trouve dans le même classeur que les entraînements mais à une partie différente) pour vérifier si son jugement est correct ou non. Une fois le contrôle réalisé sur son cahier du jour, l’élève s’inscrit au tableau pour demander à voir l’enseignant et retourne à ses autres tâches. L’enseignant appelle l’élève une fois disponible et va corriger le contrôle blanc avec lui. Si le contrôle est réussi, l’élève coloriera sa case en vert avec la date puis pourra, s’il le souhaite, repartir tout de suite avec la « véritable » évaluation et coloriera dans ce cas la case « PB » signifiant pense-bête afin de ne pas refaire le même contrôle le jour de la date butoir. Sinon, il peut la demander à un autre moment.

En cas d’échec, l’enseignant explicite les erreurs de l’élève, revois avec lui les procédures de réussite et va adapter son parcours immédiatement. 1) L’enseignant considère que l’ensemble est encore trop fragile et va demander à l’enfant de basculer sur de l’entraînement avec l’appui ou non d’un tuteur. Il pourra passer au contrôle blanc à nouveau, s’il se sent prêt, après un temps donné. 2) L’enseignant considère que les erreurs sont minimes et facilement rectifiables, l’élève est invité à passer un second contrôle blanc.

Comment l’élève sait ce qu’on attend de lui ?

Dès la leçon. Il y figure un exercice exemple de la compétence qui s’y rattache. La consigne sera (presque toujours) exactement la même que ce qui sera demandé lors des entraînements, des contrôles blancs et des évaluations. Sur la leçon figure également la correction de l’exercice exemple.

  • La partie des tâches obligatoires.

Cette partie est variable en fonction des choix définis. On peut très bien décider de changer les tâches obligatoires d’une semaine sur l’autre. Elle correspond à ce que l’élève doit prendre le temps de faire au cours de sa semaine. Lorsque l’élève a terminé sa tâche, il coche la case pour s’en rappeler et pour le signaler. Les exercices mentionnés dans la partie tâche sont disponibles en libre service dans des modules de classement disposés dans la classe. On peut décider de les donner également en début de semaine si on ne souhaite pas investir dans les modules, mais gare aux pertes de papier. De plus, certains élèves, conscients qu’ils risquent de les perdre, feront toutes les tâches dès réception, ce qui n’est pas une stratégie d’organisation du travail très intéressante. Si la même tâche doit être réalisée plusieurs fois dans la semaine, on ajoute autant de case à cocher que de jours où le travail doit être fait. Les tâches sont corrigées collectivement chaque début de semaine, sauf les questions de Bubulle qui sont corrigées quotidiennement en fin de journée. Une tâche personnalisée peut être proposée à certains élèves (défi personnel) et chaque élève doit prendre le temps de s’occuper d’un point rouge dans sa semaine dans l’optique de refaire une évaluation précédemment échouée.

Les exercices de Bubulle

Pan peut être le plus important des tâches et l’un des plus important du fonctionnement, les exercices de Bubulle. Mis en place dès le début de la période 2. Le jour de la rentrée, les élèves prennent leur agenda. Chaque jour, une leçon en mathématiques et en français parmi celles déjà étudiées et évaluées doivent être revues. Je leur en parle dès le début de l’année pour souligner l’importance de l’apprentissage des leçons car je les solliciterai dessus tout au long de l’année. Ce qui est appris n’est plus à apprendre, il est donc important de le faire en temps et en heure pour ne pas accumuler le travail personnel à faire. Je copie également les leçons que je donne à revoir de mon côté et m’en sers pour faire mes exercices de Bubulle. Les exercices sont des exercices de rebrassage ou d’approfondissement, des notions déjà étudiées. Elles permettent de varier le type d’exercice et surtout de revoir sur toute l’année les notions, en permettant à l’élève de se positionner régulièrement. L’une des pires erreurs est de ne pas continuer à proposer de petits exercices sur les notions déjà passées ! Rien de mieux pour que l’élève oublie tout entre le moment où il aura été évalué et le moment où il reverra la notion l’année suivante avec peut-être un nouvel enseignant ! Stimuler tout au long de l’année vous permet d’avoir plus d’emprise sur le temps. C’est un temps qu’il faut absolument prendre.

Sur une feuille A4, en recto-verso, je produis donc mes exercices de la semaine. Si l’élève doit revoir les compléments du nom et la soustraction pour le lundi, l’exercice de Bubulle du lundi portera donc sur ces deux notions. En fin de journée, ils sont corrigés en collectif. C’est l’un des rares moments où les exercices sont corrigés en commun. Ces exercices ne doivent pas être trop longs à faire et donc pas trop long à corriger non plus (car il y a le travail sur fiches, les autres tâches, les projets…). Les consignes ne doivent pas être alambiquées, l’exercice doit être réalisable rapidement. Ci-dessous, un exemple des exercices proposés. Ils sont également là pour vous permettre de savoir ce qui ne va toujours pas pour certains élèves et vous laisse la possibilité de les prendre en petit groupe pour rectifier le tir. C’est également le bon moment pour certains élèves ayant échoué une notion passée de se lancer dans le rattrapage de cette compétence, il se peut que certains ne la trouvent plus si difficile après un certain temps.

  • La partie des projets

Les projets sont propres à chaque classe, définissables tout ou en partie par les enseignants et ou les élèves. J’ai fait le choix de définir des projets durables (qui restent proposés tout au long de l’année, rotation possible) avec des choix temporaires, qui sont amenés à disparaître pour laisser place à d’autres projets proposés par les élèves et que j’ai accepté. Chaque enfant doit choisir un projet minimum en fonction de son avancement et de la couleur de ceinture de comportement qu’il vise (j’y viendrai dans un autre article). Un élève peut très bien décider la semaine 1 de s’attabler à l’illustration d’un texte libre pour ensuite passer en semaine II à un projet de culture générale, pour revenir ensuite en semaine III sur son projet d’illustration d’art libre. On pourrait rattacher ces projets à ce qui est appelé autonomie par certains collègues. À la différence que les projets ne sont pas pensés pour gagner du temps et occuper un élève performant, ils sont pensés pour être un complément, une autre forme d’apprentissage. Pas question de laisser ça aux bons élèves seulement, tous ont accès au projet et tous s’y attablent. Un élève ayant atteint un certain degré d’autonomie (j’y reviendrai également), peut très bien décider de commencer son temps de plan de travail par la réalisation d’un projet plutôt que par une fiche d’exercices. Il devra gérer et faire attention à son organisation, sous l’œil vigilant et bienveillant de l’enseignant.

Exemples des projets mentionnés

Texte libre : Un texte par mois est demandé à chaque élève, ils s’inscrivent sur une affiche effaçable pour signaler qu’ils s’attablent à ce travail. Il s’agit de produire un texte dont le thème est choisi par l’élève. Des aides sont proposées aux élèves qui peinent à trouver un déclencheur d’écriture. Ces textes sont ensuite repris dans le journal de classe si l’élève le souhaite et sont utilisés par l’enseignant dans les diverses activités qui peuvent être menées (analyses grammaticales, découverte d’une notion, stratégies d’écriture…)

Exposé : Le nom parle de lui-même. Ils sont ensuite présentés à la classe lors du quoi de neuf? et la trace des notes prises par l’élève et des illustrations sont repris dans le journal de classe (explications à venir). Ce temps peut aussi être pris pour préparer une simple présentation lors d’ un quoi de neuf?, avec des objectifs moins ambitieux pour l’enfant car il s’agit de présentations courtes.

Devoirs : Les élèves qui le souhaitent peuvent bénéficier du temps de projet pour s’avancer sur les devoirs et bénéficier d’un cadre d’apprentissage adéquat, ce qui peut ne pas être le cas dans toutes les familles, notamment les plus défavorisées.

Culture générale : J’ai acheté une dizaine d’encyclopédies VU d’occasion après avoir lu un article sur le sujet sur le site de Bruce Demaugé-Bost. J’ai repris les questions qu’il posait à ses élèves et ai fait un jeu de questions réponses avec une fiche de suivi. Il s’agit ici de se repérer dans une encyclopédie, de prélever des informations, d’enrichir sa culture personnelle et éventuellement de prendre des notes dans le but de faire un exposé plus riche.

Illustration : Un temps donné pour finir son illustration de poème ou réaliser l’illustration d’un texte libre (le sien ou celui d’un camarade). Ce projet est en rotation avec le projet art libre. Les élèves bénéficient de matériel pour produire en art visuel avec une consigne très ouverte, l’objectif étant d’avoir autant de productions différentes que d’élèves.

Marché : Le jeudi, un marché des connaissances peut être tenu par les élèves volontaires, avec inscription préalable obligatoire. Cela permet d’éviter les frustrations induites par les marchés collectifs où les enfants n’ont pas toujours l’occasion d’aller vers le stand de leur prédilection. Je détaillerai le marché des connaissances dans un autre article.

Origami : Une feuille d’origami par élève et par semaine (ça coûte un rein) pour réaliser les étapes de construction indiquées.

Lecture : Temps supplémentaire, en dehors des tâches obligatoires, pour lire le support de son choix.

Pigiste : Élèves chargés d’écrire le résumé de la semaine. La trace écrite est ensuite reprise pour le journal.

Échecs : Limité à 1 x 20 min ou 2 x 10 min par semaine. Des séances collectives d’échecs sont réalisées le mardi matin (en remplacement du problème du jour). Un tournoi interclasses à lieu à trois moments différents de l’année.

Création mathématiques : Réaliser une production mathématiques pour la présenter aux camarades, inciter à créer un groupe de recherche sur la notion ou les faire réaliser par les camarades. Certains enseignants utilisent les créations mathématiques comme point de départ de leurs séances, je trouve encore cela très difficilement réalisable pour l’instant. Je reviendrai sur ce point spécifique plus tard.

Ateliers : Des ateliers sont proposés en classe entière dans la semaine pour travailler différemment (très souvent par le jeu), des notions spécifiques. Lorsque le temps d’entraînement a été suffisant, l’atelier rejoint l’armoire et peut être réutilisé par les élèves sur le temps de projet à différents moments de l’année.

Prop. : Partie réservée aux propositions de projets faites par les élèves. Cet espace permet d’accueillir l’inattendu étant donné que la feuille de projets/tâches obligatoires est faite pour être utilisée sur 4 semaines dans un soucis d’économie de papier.

  • La partie bilans

Les deux derniers bilans sont à destination des parents, pour signaler si le comportement de l’enfant a été adéquat et si le travail a été, sans aspect qualitatif (c’est-à-dire sans sanctionner l’élève qui aura été en échec sur plusieurs jours mais qui aura fait le travail demandé), correctement entrepris.

Entrée en douceur pour l’élève

Trois billes pour permettre à l’élève qui n’a jamais utilisé de plan de travail de s’approprier le système.

1ère bille : Ne pas commencer dès la rentrée, attendre au moins une semaine avant de lancer le plan de travail. Profiter de cette semaine pour expliquer quotidiennement en quoi cela va constituer, qu’est-ce qui va changer pour eux. Beaucoup seront enthousiastes mais également paniqués à l’idée de liberté évoquée. Je prépare un faux plan de travail déjà complété en partie et on essaie de voir ce qu’à fait l’élève tel jour, comment a-t-il pris les exercices, pourquoi a-t-il colorié cette case, pourquoi cette couleur etc…

2ème bille : Ne pas commencer avec un plan de travail trop complet. Limiter le nombres de projets pour que les enfants se les approprient. En rajouter au fur et à mesure lorsque vos indicateurs vous signaleront que c’est possible. La fiche de projet proposée en exemple ci-dessus est une fiche de fin d’année scolaire. Même chose pour les tâches hebdomadaires, ne pas trop en mettre au départ et éviter de mettre plus d’une case à cocher par tâche pendant les premières semaines.

3e bille : LA plus importante, le degré d’autonomie. J’ai défini trois degrés d’autonomie. Niveau 1, l’élève n’est pas encore autonome et a du mal à se repérer et à utiliser son plan de travail. C’est vous qui lui remplissez impérieusement (ou en lui demandant son avis, mais là vous risquez d’en avoir pour très longtemps car vous n’aurez pas que lui les premiers jours) son travail du jour ou de la semaine en français et mathématiques. L’élève n’aura plus à s’occuper de remplir son plan de travail, il pourra se consacrer au repérage des différents classeurs et modules et à l’utilisation des fiches. Lorsque l’élève se sent prêt à prendre son envol, faites un essai comme s’il s’agissait d’un élève de niveau 2 pendant quelques jours. En fonction de ce qui se passera, vous aurez votre indicateur. Niveau 2, l’élève a compris le fonctionnement mais a parfois besoin de vous pour être rassuré ou pour demander conseil sur la bonne démarche à suivre. Une vigilance nettement moins soutenue est de mise, vous pouvez vous permettre de contrôler son plan de travail en fin de journée ou le lendemain en début de matinée. Il a fait des erreurs ? Rien de grave, les niveaux 2 en font encore à leur début et il faut l’accepter et lui laisser faire. Appelez-le si besoin pour lui montrer ses erreurs et lui rappeler certaines règles de fonctionnement en utilisant les post-it s’il s’agit juste d’un oubli. S’il trébuche trop longtemps malgré vos relances, basculez-le en niveau 1 pendant un moment, en lui expliquant bien que ce n’est pas une punition mais que c’est un temps pour lui permettre de mûrir et de s’approprier l’outil à son rythme. Cela arrive très très rarement. Niveau 3, l’élève a bien compris le fonctionnement, se repère correctement et fait le travail selon vos attendus. Il est totalement libre sur son choix de travail et d’activités.